Bien gérer son portefeuille implique de savoir aussi gérer ses émotions. Ceci est possible en prenant des risques mesurés et en ayant une bonne compréhension de la partie qui se joue. Décryptage, la newsletter de PurePerf, cherche chaque mois à décoder l’environnement économique et les forces qui font bouger les marchés. En toute humilité, nous partageons nos vues sur les dangers et les opportunités qui se profilent.
La citation du mois
“I feel like something is going to happen, something bad… There’s a lot of tension in the air. I feel the wind coming from the East.”
Michael Corleone (The Godfather – 1972)
Trois ans après les JO de Tokyo, il est temps de s’intéresser au Japon
Vous connaissiez l’histoire. Après la dévastation de la Seconde Guerre mondiale, le Japon a commencé à se reconstruire, bénéficiant de l’aide américaine dans le cadre du plan Marshall et des réformes économiques mises en œuvre sous l’occupation américaine.
Ensuite, de 1950 à 1973, le pays a connu une croissance économique spectaculaire, avec des taux de croissance annuelle du PIB atteignant en moyenne 10 %. Cette période a été marquée par l’industrialisation rapide, l’augmentation des exportations, et l’innovation technologique. En 1968, le Japon est devenu la deuxième plus grande économie mondiale après les États-Unis.
Après le choc pétrolier de 1973, la croissance économique a ralenti, mais elle est restée forte, avec des taux autour de 4-5 % par an. Le pays a continué d’innover, en particulier dans les secteurs de l’électronique et de l’automobile, consolidant sa position économique mondiale.
Au sommet de la bulle spéculative, la valeur estimée des terrains entourant le Palais impérial à Tokyo, un espace de 3,41 km² au cœur de la ville, était équivalente à la valeur de l’ensemble de l’État de Californie.
La spéculation s’était aussi étendue aux actions japonaises. Fin 1989, le ratio cours/bénéfice (Price-to-Earnings, P/E) était de plus de 60 pour de nombreuses entreprises, contre une moyenne historique de 15 à 20 pour les marchés développés.
Ce miracle économique s’est officiellement terminé avec l’éclatement de la bulle spéculative des prix des actifs à la fin des années 1980, suivi par une période de stagnation économique connue sous le nom de “décennie perdue” dans les années 1990 qui a duré bien plus de dix ans. En effet, la chute dramatique des prix de l’immobilier et des actions a plongé le Japon dans une longue période de stagnation économique et de déflation, qui a déclenché une vague de baisse des taux d’intérêts sans précédent.
Pour lutter contre la déflation persistante et stimuler l’économie, la banque centrale du Japon (BoJ) a ouvert la voie aux taux d’intérêts négatifs. La politique monétaire ultra-accommodante qui a marqué les Abenomics (2012-2020) a conduit à une forte dépréciation du yen.
En réponse à la pandémie, la BoJ a encore assoupli sa politique monétaire pour soutenir l’économie. Toutefois, la reprise économique au Japon a été plus lente qu’aux États-Unis ou en Europe, et la BoJ a maintenu des taux d’intérêt très bas, contrairement à la Fed qui a commencé à relever ses taux en 2022 pour combattre l’inflation. Cette divergence a amplifié la faiblesse du yen face au dollar.
Le cadeau aux traders
Cette situation était du pain béni pour tous les spéculateurs. Le jeu consistait à emprunter des yens à un taux d’intérêt négatif (on vous paye pour emprunter), à les convertir en dollars puis à placez ces dollars à un taux positif. La FED abaissé les taux d’intérêt à des niveaux proches de zéro, mais n’a jamais abaissé les taux en territoire négatif. Aujourd’hui, les placements en USD à court terme se font à plus de 5% alors que les taux japonais sont toujours à zéro.
Et la cerise sur le gâteau, c’est que durant toute cette période, la valeur du yen s’est effondrée face au dollar. Autrement dit, alors que les yens ont été empruntés à 0% de taux d’intérêt, les dollars achetés avec ces yens ont non seulement rapporté des intérêts mais en plus leur valeur s’est appréciée face au yen. Cette opération parfaite permettait de gagner sur tous les tableaux.
Des centaines de milliards se sont engouffrés dans cette opération dite de carry trade USD JPY. À titre indicatif, le marché des changes est l’un des plus grands marchés financiers au monde, avec un volume quotidien dépassant 6 000 milliards de dollars.
La BoJ vient de siffler la fin de la partie. Vendredi dernier (le 26 juillet), elle a annoncé le début d’un changement de politique monétaire, permettant aux taux d’intérêt du pays de monter plus librement, en ligne avec l’augmentation de l’inflation et de la croissance économique.
La fête est finie.
En quoi cela nous concerne ?
Si le portefeuille PurePerf est effectivement très peu exposé au Japon (près de 1% du portefeuille est investi en actions japonaises), le débouclage des opérations de carry trade (vente de dollars pour acheter des yens afin de rembourser les yens empruntés) va avoir des conséquences significatives sur les marchés financiers.
Nous allons certainement voir le yen monter face au dollar, ce qui va pénaliser les exportateurs japonais dont on peut attendre la baisse du cours de leur action. Par ailleurs, ceux qui avaient utilisé le yen pour financer des investissements risqués pourraient être contraints de vendre leurs actifs en actions ou en matières premières pour rembourser leurs emprunts en yen, ce qui entraînerait des baisses de prix.
Une chose est certaine, cela va accroître la volatilité des marchés dans les prochaines semaines. L’impact sur la liquidité globale ne peut être négligé, et nous savons combien la liquidité est clé dans la bonne tenue des marchés financiers. Nous n’allons donc pas nous ennuyer en août.
L’indice Nikkei qui avait (enfin) dépassé son plus haut historique de 38915 de fin décembre 1989 en février dernier vient de perdre près de 10% en deux semaines, passant de 42000 à 38000.
Comment ajuster notre portefeuille ?
Après une performance proche de 7% cette année et un profil actuellement très défensif, nous pouvons continuer à profiter de la période estivale. Avec les élections américaines en ligne de mire, nous avons la confirmation que le deuxième semestre sera moins tranquille que le premier.
Comme nous l’avons souligné le mois dernier, la tentation du cash est bonne une solution d’attente. En fonction de votre aversion au risque, détenir aujourd’hui 20% à 50% de cash au sein d’un portefeuille bien diversifié (soit avec au moins deux fois plus d’obligations d’état à long terme que d’actions) est une bonne solution d’attente qui vous permet de bien dormir et de pouvoir vous redéployer facilement si des opportunités se présentent.
Le portefeuille PurePerf détenait près de 50% de cash fin juin. Il nous semble bien positionné pour continuer à passer l’été.
En conclusion
Dans notre dernière newsletter, nous écrivions que la période estivale de liquidité moindre pourrait voir la volatilité des marchés croître en fonction de l’actualité. Nous ne sommes donc pas surpris par la situation actuelle. Vacances ou pas, nous continuons à la suivre de près pour vous.
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Merci pour votre confiance. À tous nous souhaitons un bel été. Nous sommes là pour vous aider à être du côté de la force.
Bien cordialement,
L'équipe PurePerf