Bien gérer son portefeuille implique de savoir aussi gérer ses émotions. Ceci est possible en prenant des risques mesurés et en ayant une bonne compréhension de la partie qui se joue. Décryptage, la newsletter de PurePerf, cherche chaque mois à décoder l’environnement économique et les forces qui font bouger les marchés. En toute humilité, nous partageons nos vues sur les dangers et les opportunités qui se profilent.
La citation du mois
“Le présent est à eux ; le futur, pour lequel j'ai réellement travaillé, est mien.” (Nikola Tesla)
Fin mai 2023, l’action Nvidia valait $378. Dans notre newsletter de l’époque, nous écrivions : “Si nous regardons en arrière, depuis les années 70 jusqu'à aujourd'hui, la séquence est claire : gros ordinateurs IBM, modem, fax, ordinateurs personnels, ordinateurs portables, internet, téléphone mobile, smartphones, objets connectés, IA générative.
L'IA générative s'inscrit parfaitement dans la continuité des progrès technologiques des dernières décennies, et la révolution est loin d'être terminée. Dans une dizaine d'années, l'avènement des ordinateurs quantiques en masse accélérera encore les choses, ouvrant de nouvelles perspectives inimaginables aujourd'hui.
Les premiers gagnants sont les producteurs de semi-processeurs, car il faudra beaucoup de puces pour faire fonctionner tout cela. Ensuite, quelles seront les entreprises qui sauront tirer le meilleur parti de ces innovations ? Il est encore trop tôt pour le dire, mais cela ajoute à l'incertitude.”
Fin février 2024, l’action Nvidia vaut $788.
Pouquoi s’intéresser à Nvidia
Non, Pureperf ne s’est pas reconverti dans l’analyse financière des sociétés. Notre focus reste l’allocation entre les grandes classes d’actifs des marchés.
Si nous nous intéressons au titre Nvidia ce mois-ci, c’est pour aider nos lecteurs à comprendre pourquoi les actions américaines représentent aujourd’hui 68% des indices d’actions internationales. Concrètement, lorsque vous achetez une ETF tel que le Lyxor Core MSCI World, vous pensez investir dans un indice global d’actions internationales, mais vous achetez 68% d’actions américaines.
Ce taux record reflète la croissance robuste et la domination technologique des États-Unis. Nvidia en est bien évidemment le symbole.
Créée en 1993, Nvidia fabrique des cartes graphiques et a mis une dizaine d’années à percer, notamment en équipant les Playstations de Sony à partir de 2005. Ensuite, elle a su surfer sur la vague des cryptomonnaies (ses produits étaient les meilleurs pour « miner » du bitcoin) puis sur l’explosion de l’intelligence artificielle qui nécessite des moyens gigantesques pour pouvoir traiter les données.
En 2024, Nvidia devrait vendre environ 2 millions de sa carte graphique (ou GPU en anglais) H100, soit un chiffre proche du nombre de voitures que Tesla vendrait cette année.
Nvidia vend un H100 pour environ 30 000$ à 40 000$ avec une marge brute d'environ 21 000$ à 28 000$.
A titre de comparaison, Tesla vend une voiture pour environ 46 000$ avec une marge brute d'environ 9 000$.
Le plus fou concernant la marge brute de Nvidia, c’est qu’elle ne fabrique pas ses puces. Elle se concentre sur l’innovation et le design, et fait faire ses produits par des fabricants tels que Taiwan Semiconductor Manufacturing Company (TSMC) ou Samsung Electronics.
Le prix de l’action Nvidia a ainsi explosé, et sa valorisation atteint des niveaux fous. Elle se paie en effet 32 fois son chiffre d’affaires. Oui, j’ai bien écrit son chiffre d’affaires, et pas ses bénéfices.
Ceux qui ont des cheveux blancs se rappelleront peut-être Sun Microsystem, une des actions fétiches de la bulle internet. Son cours était passé de 10$ début 1999 à 64$ courant 2000 avant de s’effondrer et de passer sous les 5$.
Son PDG, Scott McNeely, avait partagé par la suite avec les analystes financiers un commentaire qui reste d’actualité : « À une valorisation de 10 fois le chiffre d'affaires, pour vous rendre votre argent sur 10 ans, je dois vous verser 100 % des revenus en dividendes pendant 10 années consécutives. Cela suppose que je puisse obtenir cela de mes actionnaires. Cela suppose que j'ai zéro coût des biens vendus, ce qui est très difficile pour une entreprise informatique. Cela suppose zéro dépense, ce qui est vraiment difficile avec 39 000 employés. Cela suppose que je ne paie aucun impôt, ce qui est très difficile. Et cela suppose que vous ne payez aucun impôt sur vos dividendes, ce qui est un peu illégal. Et cela suppose qu'avec zéro Recherche & Développement pour les 10 prochaines années, je peux maintenir le niveau des ventes actuel. Maintenant, après avoir compris cela, y en a-t-il parmi vous qui aimeraient acheter mon action à 64$ ? Vous rendez-vous compte à quel point ces hypothèses de base étaient ridicules ? À quoi pensiez-vous ?».
Sun Microsystem se vendait 10 fois ses ventes, Nvidia se vend 32 fois ses ventes.
Tout cela ne peut que mal finir ?
Oui bien sûr. Car même si la demande de cartes graphiques va rester très forte dans les prochaines années, les marges de Nvidia sont telles que ses concurrents vont bien finir par sortir des produits compétitifs à de meilleurs prix. La baisse de sa profitabilité entrainera la chute du prix de son action.
Mais en attendant, le cours continue à monter. Et la pression de rater une telle opportunité est telle que les professionnels se sentent obligés d’être exposés à Nvidia et à la technologie. Idem pour les économistes, après d’être trompés en 2023, ils ne pensent plus du tout qu’il y aura une récession cette année. Au fond d’eux, certains le pensent sans doute encore, mais ils ne peuvent pas se permettre de l’exprimer, sous peine de perdre leur réputation ou leur job (ou les deux).
C’est ainsi qu’une bulle se créée. Ce n’est peut-être que le début, mais nous y sommes. A ce stade, seuls certains secteurs sont affectés, les valorisations des secteurs traditionnels ne sont pas à des niveaux extrêmes, même si on commence à voir des valeurs du Nasdaq qui n’ont rien à voir avec l’intelligence artificielle se traiter à plus de 20 fois leur chiffre d’affaires. Par exemple Wingstop, qui vend des ailes de poulet en ligne.
Faut-il surfer sur la vague ?
Oui, mais de façon modérée, en restant diversifié et en étant capable de baisser la voile rapidement en cas de retournement des marchés d’actions. Sinon, mieux vaut profiter du mouvement de hausse pour prendre une partie de ses bénéfices et se repositionner plus tard.
Par construction, la stratégie PurePerf est trop défensive pour capturer tout le potentiel d’une bulle. Cela ne l’empêche pas de performer, mais d’autres stratégies font mieux durant ces périodes de forte spéculation. Notre horizon est long, nous savons que nous souffrirons moins durant la baisse et que nous garderons notre sommeil. Tout vient à point à qui sait attendre.
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