Décryptage – 25 novembre 2022
Bien gérer son portefeuille implique de savoir aussi gérer ses émotions. Ceci est possible en prenant des risques mesurés et en ayant une bonne compréhension de la partie qui se joue. Décryptage, la newsletter de PurePerf, cherche chaque mois à décoder l’environnement économique et les forces qui font bouger les marchés. En toute humilité, nous partageons aussi nos vues sur les dangers et les opportunités qui se profilent.
Le mot du mois
Pivot. Impossible de lire un article sans tomber dessus. La Réserve Fédérale américaine est-elle prête à faire pivoter sa stratégie de resserrement monétaire et à ralentir le rythme des prochaines hausses des taux directeurs ? Il a suffi d’un chiffre d’inflation moins élevé qu’attendu pour que certains se mettent à imaginer qu’elle pourrait même baisser ses taux en 2023.
Prendre ses désirs pour des réalités est un jeu dangereux. Cela peut alimenter un rallye haussier pendant quelques mois, mais tôt ou tard la réalité vous rattrape.
Depuis des mois, le seul indicateur qui compte sur les marchés est l’inflation aux États-Unis et en Europe. Si l’objectif des banques centrales se situe autour de 2% par an, elles peuvent certainement se satisfaire d’un chiffre autour de 4%. A ce niveau, cela appauvrit un peu les épargnants mais diminue la charge de la dette.
Au-delà de 7-8% d’inflation, les problèmes l’emportent sur les bénéfices. Les mouvements sociaux deviennent incontrôlables et le risque d’entrer dans une spirale inflationniste est élevé. Des prix plus élevés génèrent des hausses des salaires qui se répercutent sur les prix, ce qui génère de nouvelles demandes de hausse de salaires…).
L’inflation n’est pas un indicateur élastique
Il est facile (et rassurant) de penser qu’il faut le même nombre de mois pour passer de 2% à 10% d’inflation que pour passer de 10% à 2% d’inflation.
Sauf que l’inflation n’est pas un élastique. Karl Otto Pöhl, alors président de la Bundesbank, disait en 1980 : « L'inflation, c'est comme la pâte dentifrice : une fois qu'elle est sortie du tube, il est impossible de l'y faire rentrer. » Du fait de son caractère persistent et incompressible, les investisseurs ne devraient pas être surpris si elle s’avère rester à un niveau obstinément élevé en 2023.
Les prochains mois des marchés vont largement dépendre de l’attitude des banques centrales, et les investisseurs semblent sous-estimer la difficulté à se débarrasser de l’inflation.
Après avoir fortement augmenté depuis début 2021, les prix des matières premières ont certes baissé ces derniers mois. Les métaux de base, le bois et le pétrole ont fortement reculé. Plus impressionnant encore, l’indice des prix du transport maritime, le Baltic Dry Index, est passé de 5500 à 1350 au cours des 12 derniers mois.
En Chine l’inflation sous-jacente est en baisse de 0.6%. Avec la réouverture de son économie qui finira bien par arriver, on peut se prendre à espérer que des pressions déflationnistes soient à exportées vers toutes les économies développées, oubliant qu’une réouverture se traduira aussi par une plus forte demande de matières premières.
En se focalisant sur les matières premières, on oublie que le véritable risque aujourd’hui est de voir les services prendre le relais créer de nouvelles forces inflationnistes.
Si le covid-19 a interrompu de nombreuses chaînes d’approvisionnement, certaines avaient déjà commencé à être touchées avant le virus, notamment à la suite de la hausse des tarifs douaniers à l’égard de la Chine décidée par l’administration Trump.
En rationalisant à l’extrême les chaines d’approvisionnement, les trente dernières années de mondialisation ont permis de faire baisser sans interruption le coût unitaire du travail. Les unités de production se sont spécialisées, la logistique a été rendue plus efficace et les stocks ont été réduits à leur minimum grâce à la gestion en flux tendus. Tout cela a contribué à un système super efficace mais fragile.
Avec le bouleversement créé par le covid-19 et les tensions géopolitiques croissantes, il ne faut pas s’étonner que l’alternative à ce système super efficace perfectionné durant trois décennies ne se présente pas du jour au lendemain.
L’autre caractéristique de ce cycle est l’apparente pénurie de main d’œuvre dans les pays développés. Alors qu’un nombre encore croissant de Baby-Boomers atteignent l’âge de la retraite, de nombreuses personnes n’ont simplement pas retrouvé l’envie de travailler après le break forcé. Ni le besoin selon les pays et l’ampleur des mesures de soutien. Ainsi on estime qu’aux États-Unis, près de dix millions de travailleurs qualifiés sont réticents à revenir sur le marché du travail.
Les entreprises ont commencé à relever leurs salaires à l’embauche pour attirer des talents. Cette tendance va se poursuivre en 2023, qui verra l’inflation des prix des services se substituer en douceur à l’inflation des prix des biens.
Dans un tel contexte, les taux directeurs devront être maintenus à des niveaux plus restrictifs pour une période plus longue que ce qui est pris en considération par les marchés.
Conditionnés depuis des années à voir les banques centrales céder du lest au premier ralentissement économique, les marchés risquent d’être déçus de voir les taux rester à des niveaux élevés en cas de récession en Europe ou aux États-Unis. Faire rentrer le dentifrice dans le tube va prendre du temps.
Sans élastique, pas de rebond ?
C’est ça. En tout cas, pas de rebond fort des marchés. Nous ne sommes pas en mars 2009, et le rallye des dernières semaines ne marque pas le début d’une nouvelle vague haussière.
N’oublions pas que, même si la Réserve Fédérale américaine ralentit le rythme de hausse des taux directeurs, elle va quand même continuer à les relever au cours des prochains mois. Relever ses taux plus lentement ne correspond pas à faire pivoter sa politique monétaire. Aucune baisse des taux n’est attendue à court terme.
Dans ce contexte, le risque de récession aux États-Unis et en Europe au premier semestre 2023 demeure élevé, avec toutes les implications que cela aura sur les résultats des entreprises et in fine sur les indices boursiers.
Quel impact pour nos portefeuilles ?
Lorsqu’un épargnant gère son patrimoine, il a pour mission de construire un portefeuille qui ne soit pas dépendant d’un événement spécifique. Il serait évidemment plus simple de partir d’un scénario (inflation et récession, pas d’inflation ni de récession, stagflation…) et de bâtir son portefeuille en conséquence.
C’est ce que de nombreux professionnels font. D’un point de vue marketing, c’est assez puissant grâce à la composante story telling de cette approche – le gérant a une histoire à partager. Et s’il se trompe, il passera à une nouvelle histoire.
Le problème est que cette approche est binaire. Si vous avez raison, bravo, mais toute sortie de route se paie au prix fort. Pour vous faire une idée du coût d’un scénario erroné, regardez les performances des gérants diversifiés cette année.
Chez PurePerf, nous ne sommes pas plus malins que les autres et notre boule de cristal n’est pas meilleure. Mais nous cherchons à apprendre de nos erreurs.
Entre gagner et avoir raison, notre choix est clair. Nous savons que les paris binaires ont tendance à ne pas bien marcher dans la durée et qu’ils peuvent détruire beaucoup de capitaux. C’est pourquoi nous préférons nous appuyer sur une allocation de base réellement diversifiée que nous ajustons en fonction de l’évolution des marchés.
Investing is not a competition, it is a game of long-term survival.
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