Bien gérer son portefeuille implique de savoir aussi gérer ses émotions. C’est possible en prenant des risques mesurés et en ayant une bonne compréhension de la partie qui se joue. Décryptage, la newsletter de PurePerf, cherche à décoder l’environnement économique et les forces qui font bouger les marchés. En toute humilité, nous partageons nos vues sur les dangers et les opportunités qui se profilent.
Le mot du mois
« No landing », ou pas d’atterrissage. C’est le scénario dans l’air du temps : une inflation qui ne baisserait pas durablement et une économie qui continuerait à croître malgré des taux d’intérêt qui resteraient élevés.
Dit autrement, au lieu d’une récession généralisée faisant monter le chômage et revenir l’inflation américaine vers l’objectif de 2% de la FED, les marchés ne prévoient plus de récession et s’attendent à une inflation durablement plus élevée que les 2%.
Entre les pays européens, Allemagne en tête, qui ont mis 450 milliards d’euros sur la table soutenir les ménages et les entreprises face à la flambée des prix de l'énergie et les 400 milliards de dollars annoncés par les États-Unis pour réduire leurs émissions de gaz à effet de serre, Il faudrait en effet un énorme ralentissement pour qu’on entre en récession au cours des prochains mois.
Par ailleurs, nos réserves de gaz sont pleines et la crise énergétique semble être derrière nous.
Alors tout va bien ?
Pas exactement car, si les marchés obligataires ont revu à la hausse leurs prévisions de relèvement des taux directeurs, ils prévoient toujours que la FED commencera à les baisser à la fin de l’été. Ce qui soutient les marchés d’actions.
Le souci du scénario no landing, c’est que si l’économie continue à croître, la FED ne baissera pas ses taux. Elle pourrait même devoir les maintenir à un niveau élevé pendant plus longtemps que prévu afin de ne pas laisser l’inflation s’envoler.
Pire, si l’économie évite la récession, alors les banques centrales vont continuer à retirer une partie des liquidités injectées ces dernières années.
N’oublions pas que jusqu’à maintenant, un contributeur important à la résilience de l’économie a été l’énorme accumulation de liquidités résultant des différents stimulus de la période covid. Le pic de l’excès d’épargne qui en a résulté se situe fin 2021. Il est évalué entre deux et trois mille milliards de dollars.
Cet excès d’épargne est graduellement revenu dans l’économie en 2022, et il en reste encore moins de la moitié. Lorsqu’il sera épuisé, sans doute dans le courant de l’été, ce soutien unique à l’économie aura disparu.
Quelles peuvent-être les conséquences sur les marchés ? Moins de liquidités, une inflation en hausse et des taux d’intérêts plus élevés pour plus longtemps que prévu, tout cela constitue un cocktail redoutable pour les investisseurs.
La FED prise au piège
Reprenons depuis le début… Lorsque le diable est sorti de sa bouteille début 2021, la FED a rejeté à plusieurs reprises les signes inflationnistes, qualifiant de transitoires les hausses de prix, et ce malgré les avertissements des entreprises.
Elle a changé de ton seulement fin novembre 2021 et a donc commencé à réagir avec près d’un an de retard. Depuis elle est en mode rattrapage, ce qui l’a conduite à augmenter son principal taux directeur de 0.25% à 4.50% en 2022, avec sept hausses dont quatre consécutives de 0.75%.
Quand une banque centrale décide une hausse de 0.75%, elle essaie généralement de rectifier une erreur.
Sachant que l’écart entre le début d’un cycle de resserrement monétaire et le ralentissement de l’économie se situe autour de deux ans, la FED risque maintenant de sur-corriger son erreur en augmentant trop fort ses taux directeurs.
C’est pourtant la seule façon de contrôler l’inflation.
Pour faire simple, l’inflation a deux composantes : les prix des matières premières et les prix des biens et services qu’on appelle inflation sous-jacente.
La baisse des matières premières durant le dernier trimestre 2021 a eu un impact favorable sur les derniers chiffres d’inflation mais les cours se sont stabilisés depuis, notamment en raison du plan de relance de l’économie chinoise.
Si les prix des biens devraient rester stables, les prix des services vont continuer à monter. Comme il sont extrêmement liés aux salaires, ils ne peuvent pas reculer tant que le chômage ne monte pas.
Il est donc difficile d’imaginer un recul durable de l’inflation. Si elle rebondit dans les trois à six mois, les banques centrales devront remonter leurs taux au-delà de ce qu’elles prévoient aujourd’hui.
Les marchés n’achètent pas vraiment la thèse du no landing
L’année 2022 a été tellement difficile que les opérateurs ont la perception que la récession à venir a déjà été prise en compte. Ce type de débat existe dans tous les cycles. Les économistes des banques aiment inventer des théories fumeuses pour rassurer leur clients.
La réalité, c’est que le marché baissier, le fameux bear market, n’a pas commencé. L’an dernier, les actions n’ont pas baissé en raison de la baisse de leurs bénéfices mais à cause de la hausse des taux.
La prise en compte des taux d’intérêt dans le calcul d’actualisation des cash flows futurs des entreprises explique d’ailleurs pourquoi les valeurs de croissance sont celles qui ont le plus baissé, même lorsque leurs résultats étaient en hausse.
L’impact des hausses de taux des quinze derniers mois ne se fera vraiment sentir qu’à partir de fin 2023. La récession est devant nous, mais on ne la verra pas avant 2024. Lorsque les résultats des entreprises commenceront à ralentir, on entrera dans un bear market classique.
En attendant, des scénarios qui ne tiennent pas comme celui du no landing vont continuer à fleurir. Les hausses inattendues vont succéder aux baisses surprises. Jusqu’à ce que les opérateurs soient convaincus de débrancher la prise. Nous n’en sommes pas là.
La situation est extraordinairement difficile à gérer pour les banques centrales. Elle n’est pas beaucoup plus simple pour nous. Comme indiqué dans notre lettre de décembre dernier, toute la difficulté pour l’investisseur consiste à investir avec un horizon cohérent avec ses prévisions. Vous ne pouvez pas penser à long terme et investir à court terme, et vice versa.
C’est aussi dans ces moments que le rôle de boussole des signaux PurePerf nous est utile.
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