Décryptage – 21 septembre 2022
Bien gérer son portefeuille implique de savoir aussi gérer ses émotions. Ceci est possible en prenant des risques mesurés et en ayant une bonne compréhension de la partie qui se joue. Décryptage, la newsletter de PurePerf, cherche chaque mois à décoder l’environnement économique et les forces qui font bouger les marchés. En toute humilité, nous partageons aussi nos vues sur les dangers et les opportunités qui se profilent.
Quand la FED bougera…
La Réserve Fédérale américaine a pour mandat de maintenir l’inflation US autour de 2% tout en limitant le chômage. Aujourd’hui, l’inflation aux Etats-Unis se situe autour de 9% (5% hors énergie) et le chômage à 3.5%, autrement à un niveau de plein emploi. Pour Jerome Powell, le président de la FED, et son conseil de gouverneurs, l’équation est simple : ils vont chercher à faire baisser l’inflation au détriment de l’emploi et de la croissance.
Avec des taux directeurs aujourd’hui en deçà du niveau de l’inflation (à 3.25% aux US pour une inflation supérieure à 8%), la politique monétaire reste accommodante et on voit mal comment la FED pourrait monter ses taux de 5% comme elle le fit entre février et mars 1980. Pour mémoire, en 1980 les Etats-Unis étaient entrés récession (PNB en baisse de -0.3%), le taux de chômage s’élevait à 7.2% et l’inflation à 13.5%. Quant aux taux directeurs, ils se situaient à 14% en janvier, montèrent à 20% en mars et finirent l’année 1980 à 18%.
La situation actuelle est bien sûr différente de celle des années 1979-1980. S’il est certain que les taux directeurs vont continuer à monter, il y a fort à parier que pas une banque centrale ne sera prête à appliquer le remède de cheval des années 80. Trop risqué politiquement, trop douloureux pour les électeurs habitués aux plans de soutien. Ce qui va ouvrir la porte à une inflation plus structurelle.
Ainsi, l’inflation est de retour, et elle est là pour durer. Nous allons progressivement redécouvrir les vertus des obligations, les mérites des sicav monétaires et l’intérêt de s’endetter à taux fixe sur des durées longues pour acquérir son logement, les mensualités fixes représentant une charge de plus en plus légère au fil du temps grâce à l’augmentation régulière des salaires plus ou moins alignés sur l’inflation.
Le monde tremblera
Dans l’immédiat, même si les banques centrales ne parviennent pas à juguler l’inflation, elles vont essayer de la contenir. Concrètement, cela veut dire des taux plus élevés et moins de monnaie en circulation. Pour les marchés, c’est un cocktail explosif, capable de faire baisser la valeur de toutes les classes d’actifs, n’épargnant ni les actions, ni les obligations, ni l’or, ni l’immobilier.
La baisse s’est pour l’instant faite sans panique, mais pour combien de temps ? La FED se doit d’agir vite et fort mais pas trop vite ni trop fort, sous peine de casser quelque chose. C’est quasiment mission impossible car elle ne peut pas mesurer l’impact de ses mesures, qui mettent plusieurs trimestres voire plus d’une année à se diffuser dans l’économie réelle.
Avec un tel pilotage à l’aveugle, le risque de sortie de route est élevé. Sur les marchés, les opérateurs cherchent à prévoir ce qui pourrait casser en premier, et cela les rend nerveux car les risques sont partout.
Les industriels qui produisent encore en Europe sont piégés par la hausse des matières premières. Face à des concurrents américains et asiatiques qui supportent un moindre coût de l’énergie, comment vont-ils rester compétitifs ? Pour certains, rogner les marges et couper les coûts ne suffira pas. Compte-tenu d’une plus grande difficulté à accéder au crédit et de taux d’intérêts plus élevés, nous pourrions bien entendre parler de grosses faillites en 2023.
Les états développés, confrontés à un renchérissement du coût de la dette, ne pourront pas cacher longtemps leurs fragilités. Dans un premier temps, cela va se traduire par une volatilité accrue des devises, favorisant sans doute le dollar et le franc suisse au détriment de la livre sterling, de l’euro et du yen. Certaines banques centrales décideront-elles de laisser filer leur devise ou réagiront-elles en montant leurs taux directeurs, au risque de précipiter leur économie dans la récession ?
Dans ce marasme, des banques et des gérants de fonds spéculatifs vont souffrir. Un simple coup d’œil au niveau des CDS de quelques usual suspects tels que le Crédit Suisse ou la Deutsche Bank montre que le niveau de risque s’accroît. Un CDS, ou crédit default swap, est un produit dérivé qui permet de s'assurer contre le risque de non-paiement d'une dette émise par un État ou une entreprise. C’est comme un contrat d’assurance. Si vous craignez qu’une banque, un état ou une entreprise fasse faillite, vous achetez un CDS et son vendeur s’engage à vous dédommager en cas de défaut de paiement. Évidemment, plus le risque est grand, plus la prime est élevée. Depuis le début de l’année, le prix du CDS Crédit Suisse a quasiment quadruplé. Il est encore loin de son niveau de 2008 mais s’en approche, ce qui donne une idée de la nervosité.
Sur le fond, on voit mal le Crédit Suisse faire faillite. Ces mouvements sont néanmoins symptomatiques du fait que chacun semble se préparer au pire. Si tel est le cas, on s’oriente plutôt vers une baisse larvée entrecoupée de rebonds techniques spectaculaires, plutôt que vers une baisse brutale.
Et moi dans tout ça, je fais quoi ?
Si votre portefeuille suit la stratégie de celle de PurePerf, sa performance depuis le début de l’année se situe autour de 1%. Pas glorieux, mais pas de quoi non plus perdre son sommeil... Quand les actions, les obligations et le crédit perdent de 15% à 30%, protéger son capital est d’autant plus acceptable que notre budget de risque se situe plutôt entre -10% et -15%.
Depuis début septembre, notre portefeuille détient 85% de cash. Couper toutes nos positions sur un marché spécifique ne nous pose aucun problème dès lors que cela nous permet de limiter le risque. When in doubt, stay out…
Après la forte baisse des dernières semaines, est-ce le moment de redéployer ce cash ? Le mois n’étant pas fini, il est trop tôt pour le dire, mais rien n’indique que la chute est terminée. Dans les périodes faciles comme dans les phases difficiles, notre mission est la même : avoir un plan et s’y tenir.
Si vous venez de découvrir PurePerf, vous êtes peut-être collé avec des positions qui font mal. Que faire ? D’abord, assurez-vous que les pertes sont en ligne avec votre budget de risque. Si c’est le cas, il n’est peut-être pas anormal d’être à -15% ou -20% compte-tenu de l’évolution des marchés et de votre stratégie d’investissement. Ensuite, effectuez un contrôle de la qualité de votre portefeuille. Sa sous-performance est-elle bien répartie entre différentes classes d’actifs ou provient-elle principalement des actions, des obligations, d’un secteur particulier… ? Une simple attribution de performance vous permettra rapidement de comprendre les forces et les faiblesses de votre gestion. Si vous détenez des titres en direct, assurez-vous que les sociétés sous-jacentes sont solides et que chaque ligne ne représente pas plus de 3% de votre portefeuille.
Si les risques pris sont trop élevés (pouvez-vous absorber 15% ou 20% de pertes supplémentaires ?), si votre portefeuille est mal diversifié ou très concentré dans quelques titres, essayez de mettre à profit tout mouvement de rebond pour le rééquilibrer. Ne faites surtout pas tout d’un coup et préférez agir progressivement.
Si enfin vous avez établi une liste de titres que vous souhaiteriez détenir en portefeuille dans une optique de long terme, rien ne presse. Comme disent les Américains, don’t try to catch a falling knife (n’essayez pas d’attraper un couteau qui tombe). Vouloir acheter au plus bas est un jeu dangereux, mieux vaut être patient et attendre le début d’une hausse pour prendre position. L’abondance de liquidités dans le système explique non seulement l’absence de panique, mais aussi la puissance des rebonds dits techniques. Nous risquons de devoir attendre avant de voir une véritable capitulation.
Affaire à suivre…
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